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Chapitre IX

 

Les Ruffo au XIVe siècle

 

Charles II d’Anjou 1284-1310

 

Il faut libérer Charles II après quatre années de captivité en Aragon! Ses trois fils aînés, ainsi que quatre-vingt seigneurs Provençaux se livrent en otage à sa place. Mais il faut encore six ans pour régler cette regrettable affaire, moyennant l'abandon des comtés du Maine et d'Anjou. La paix est signée en 1295.

Toutefois la lutte reprend deux ans plus tard en territoire calabrais, véritable état tampon. Notons ici combien les fiefs des Ruffo furent exposés lors de ces rivalités dramatiques.

 

Mûri par les épreuves, Charles II fut un excellent souverain. Il édicte des lois sages, réprime les abus, se livre tout entier à l'amour pour son peuple. Son règne et celui de son fils, Robert le Bon, sont considérés comme l'âge d'or de la dynastie Angevine. Il eut de son épouse Marie de Hongrie neuf enfants. Louis marqué par six années de prison se consacre à la vie monastique. Devenu évêque de Toulouse, il meurt à l'âge de 25 ans, et est canonisé sous le nom de St. Louis de Marseille.

Le huitième enfant est Jean de Duras (ou Durazzo) dont descendent Charles III, Ladislas et Jeanne II, futurs Rois et Reine de Naples.

Charles II d'Anjou, Roi de Naples >

 

Enrico I Ruffo succède à son frère Fulco II, et reprend les états de son père. Par sa mère Marguerite de Pavie, il hérite de Sinopoli, Mongialino, Bovalino, etc. En 1279, il fait partie du groupe de barons qui prêtent de l'argent à Charles I, participant à la construction d'une flotte au service de la Maison d'Anjou.

En 1297, ses états souffrent beaucoup de l'invasion de la Calabre par Frédéric III d'Aragon. Assiégé dans son château de Bovalino, il est libéré par Charles II. Celui-ci en récompense de sa fidélité lui concède le fief d'Attina et une partie des revenus provenant de la douane de Trani. Il est nommé chambellan du Roi, Vice-roi de la terre de Labour (l'actuelle Campanie), et reçoit le gouvernement des faubourgs de Naples, succédant ainsi à son cousin Giovanni Ruffo, seigneur de Badolato, déjà décédé.

Il existe encore à Solano une fontaine surmontée d'une stèle gravée aux armes des Ruffo, énumérant les droits douaniers et exonérant de l'impôt femmes enceintes et prostituées!

 

Enrico I Ruffo, seigneur de Sinopoli, Seminara et autres lieux, armé Chevalier de la main du Roi Charles Ier en 1272, fut familier et Chambellan du Roi Charles II, et vice-roi de la Campanie. De son mariage avec Marguerite de San Liceto (ou de Senlis), des Seigneurs de Maïda, avec laquelle il vivait encore en 1301, il eut 4 garçons et 2 filles. De celles-ci Constance Ruffo épouse Vinciguerra Grimaldi, Seigneur de Saint-Démétrius en Calabre. Vinciguerra Grimaldi était le fils de Rainier Ier Grimaldi, Seigneur de Monaco (voir plus bas aussi).

 

< Fontaine de Solano, érigée par les Ruffo.

 

Enrico I ainsi que son fils Fulcone II seigneur de Bovalino, père de Niccolo dont le tombeau est à Gerace, participent à une entreprise militaire en faveur de Charles Martel en Hongrie.

 

Le Roi Robert le Bon, succédant à Charles II, témoigne envers Enrico I d'une bienveillance spéciale et le prend comme Conseiller. Contrairement à l'usage, il obtient du souverain l'autorisation de partager ses fiefs entre ses enfants. Les Ruffo dotent leurs filles afin d’augmenter leur propre influence dans le pays et à la cour par des mariages habilement négociés. Il termine sa vie riche et honoré.

 


Les alliances Ruffo avec la Maison Grimaldi

 

Notes Généalogiques indiquant les alliances de la Maison Ruffo avec celle des Grimaldi. (c)Archives des Ruffo de Bonneval.

"On peut s'en assurer à la première table de la famille Grimaldi, n° 39, ou est mentionné au commencement du XIIIe siècle, le mariage d'Adèle Grimaldi avec Pyrrhus Ruffo comte de Sinopoli". On y trouve aussi que Rainier II de Grimaldi, prince de Monaco vers l'an 1330, épousa Marguerite Ruffo de la Maison des Comtes de Sinopoli…

 

Carlo Ruffo, premier fils du comte Guglielmo succéda vers 1415 aux Etats de son père, et fut conseiller de la reine Jeanne II. Vers 1419, il épouse Catherine Grimaldi dame de Policastro, fille unique de Nicolas seigneur de cette ville et de Monaco et d'Isabelle de l'Amendolée, sœur de Jean, lequel mariage fut célébré avec la faveur de ladite reine Jeanne. C'est pourquoi il obtint d'elle la confirmation du Comté de Sinopoli, Bagnara, di Motta Rossa ou Bellicore, Motta Nomara, Mesanova et di Fiumara di Muro.

 

Parmi d'autres seigneurs de la Famille de cette génération, citons Giovanni Comte de Catanzaro, fils de Pietro II, adoubé chevalier dans la très belle cathédrale de Naples. Chambellan et familier de Charles II, il est membre du Conseil. La Roi Robert le nomme Capitaine Général de Calabre en 1316. Il prend part aux guerres opposant les Anjou de Naples aux Aragons de Sicile. Le Roi se fie à son expérience et le nomme Aide de Camp et Conseiller de son fils et héritier Charles Duc de Calabre. Giovanni l'accompagne à Florence lorsque le Duc gouverne la Toscane au nom du Roi.

 

< Cérémonie d'adoubement

 

Très généreux, on peut citer parmi les libéralités de Giovanni, les dons faits au monastère de Ste Claire à Catanzaro, dont à cette époque l'abbesse était Sœur Jacopa Ruffo de Sinopoli. La fille de Giovanni, Sœur Tomasa, fut également abbesse du couvent, quelques années plus tard.

 

Pietro III fils de Giovanni, est Chambellan et Familier du Roi Robert, membre du Conseil d'Etat, Vice-roi de la terre de Bari, etc…

 

Tomaso Ruffo, frère de Giovanni, est archevêque de Reggio en 1307.

 

Guglielmo I, troisième fils d'Enrico I, nous intéresse d'une façon particulière. Il est l'ancêtre de tous les Ruffo du XXIe siècle. Armé chevalier au temps de Charles II, familier du Roi Robert, il est nommé Vice-roi et Capitaine Général des Abruzzes en 1331, puis Conseiller d'Etat, et Vice-roi de Calabre. En 1334, il devient le 1er Comte de Sinopoli. Il épouse en premières noces Catarina Crispai d'Allemagna, di Corbatio, dont il a deux fils : Enrico II et Carlo. Puis en 1332 il va épouser en secondes noces Eloïsa d'Erovilla, qui lui donne également deux fils : Fulco IV et Ruggiero.

Qui eut pu deviner, à cette époque, que cette seconde et tardive union de Guglielmo I assurerait la survivance de la Famille! Car les unes après les autres, toutes les branches aînées se sont éteintes au cours du XVe siècle.

 

Ecu des Ruffo à Sinopoli >

 

Eloïsa, veuve en premières noces de Francesco Filangieri, a deux fils dont son futur mari Guglielmo I était devenu le tuteur en 1331. Il l’épousera en 1332. Tout ne fut pas facile pour notre aïeule : Eloïsa. Carlo chevalier en l’absence de Guglielmo son père Comte de Sinopoli et de Enrico II son frère aîné tous deux en mission militaire en d’autres lieux du royaume, est chargé par procuration des biens paternels. Cependant il n'a cure de cette belle-mère et de ses jeunes demi-frères.

 

Eloïsa, pour subsister avec ses fils Fulco IV et Ruggiero, d'environ neuf et huit ans, se voit obligée d'envoyer une supplique au Roi Robert lui demandant d'« ordonner à Carlo, le fils aîné du seigneur Comte, qui possède (gère) tous les biens féodaux de son père, de lui fournir à elle et à ses fils, la nourriture et l'entretien selon leur qualité et la valeur des dits biens », acte déposé aux archives de la Zecca à Naples, lettre C folio 6. Le Roi dans une ordonnance du 10 février 13 42 contraignit Carlo, fils aîné du Comte de Sinopoli Guglielmo I Ruffo, à la dite fourniture.

 

Carlo devient le deuxième Comte de Sinopoli vers 1363. En effet suite à une grave altercation d’une part entre Enrico II et son fils Antonello et d’autre part le Comte Guglielmo de Sinopoli au sujet des fiançailles décidées par le grand-père entre son petit-fils et Giovanna fille du juriste napolitain Nicolas d’Alife. Ceci déclenche un drame et ils sont rétrogradés dans l’ordre de succession au profit du frère cadet Carlo qui a de sa femme Arigilda Ruffo de Catanzaro, deux fils dont l’aîné est Guillaume II.

 

Au Moyen-âge il n’existe pas d’état civil aussi le choix du prénom des garçons suivait-il certaines règles. L’ainé reçoit celui de son grand-père, ainsi pas de contestation possible lors de l’héritage des fiefs qui sont dévolus à l’ainé. Voyez la généalogie des Ruffo de Sinopoli. Parmi les deux fois deux fils de Guglielmo I, Enrico du premier lit porte le prénom de son grand-père. Fulco, l’aîné du deuxième lit, du deuxième lit porte celui de son aïeul. C'est donc bien Fulco IV qui est l'aîné et non Ruggiero, contrairement à ce qu'avance Montgrand.

 


 

Arbre généalogique des Ruffo de Sinopoli
italiens et belges

 

 

 

On peut remarquer combien de nombreux Ruffo ont des situations importantes auprès des Princes d'Anjou, à la cour et dans les provinces. Ils demeurent une des premières familles du pays, et l'on verra plus loin que de brillantes alliances, entre autres avec les Sanseverino, les rapprocheront du trône, précisément pour la branche des Ruffo de Montalto.

 


Robert le Bon (1310-1343)

 

Troisième fils de Charles II, il gouverne le royaume avec beaucoup de sagesse pendant les absences de son père qui lui lègue la couronne par testament, au détriment de son frère aîné, le Roi de Hongrie. Il reçoit l'investiture des mains du pape Clément V à Avignon, en présence de nombreux seigneurs napolitains, dont Giovanni et Giordanello Ruffo, ceci malgré l'opposition de l'Empereur d'Allemagne.

 

< Monnaie du Roi anjevin Robert le Bon

 

La Sicile est toujours aux mains de la dynastie d'Aragon, et Robert d'Anjou échoue plusieurs fois dans la tentative de la reconquérir. Il est aimé de son peuple, respecté par ses ennemis. Robert était poète. Pétrarque avec qui il était lié, a écrit sur lui des pages pénétrées d'admiration. Les Ruffo sont à sa cour, et assument de nombreuses tâches dans les provinces.

 

Citons particulièrement Giovanni, Comte de Catanzaro, Aide de camp et Conseiller du prince héritier. Le Roi Robert le Bon eut la douleur de perdre prématurément Charles Duc de Calabre, ce prince très doué. Pour éviter au Pays une guerre dynastique et restituer le Royaume de Naples à la branche aînée d'Anjou tout en le maintenant dans sa propre famille, il décide des épousailles de sa petite-fille Jeanne avec son petit-neveu André de Durazzo, fils du Roi de Hongrie, Caribert d’Anjou. Mais cette astuce politique allait tourner bien mal pour sa dynastie et pour le Pays...

 

 

Jeanne I (1343-1382), Reine de Naples

Jeanne et André n'ont que sept ans lors de leurs fiançailles. André élevé à la cour de Naples, révèle un caractère intraitable, et devient bientôt insupportable à la jeune femme. Couronnée Reine de Naples, en 1343, à la mort de son grand-père, elle prend pour amant Louis de Tarente également de la Maison d'Anjou. La présence hongroise arrogante de l'entourage du Prince André irritait les Napolitains. Une conspiration se noue contre lui, peut-être avec la complicité de la Reine, en tout cas avec celle de plusieurs princes de sang.

Corrado I Ruffo de Catanzaro, Chevalier conseiller intime de Jeanne et l'un des témoins à son couronnement, fait partie de la conjuration. Carlo futur Comte de Sinopoli qui a épousé en 1342 sa cousine Arrigilda Ruffo de Catanzaro, fille de ce Corrado, est aussi compromis dans cette affaire.

 

André de Durazzo meurt étranglé au château royal d'Aversa en 1345, à l'âge de 19 ans. Alors commence pour Jeanne une vie agitée. Un an après le meurtre de son mari, elle épouse Louis de Tarente. Aussitôt Louis Roi de Hongrie envahit l'Italie, moins pour venger l'assassinat de son frère que pour s'emparer du Royaume de Naples. Par traîtrise, il s'assure de la personne des conjurés. Corrado I est décapité avec d'autres seigneurs. Carlo I Chambellan de la Reine, est emprisonné pour complicité, puis il est remis en liberté grâce au témoignage rendu en sa faveur par Geoffroy de Marzano, Grand Amiral du royaume, époux de Giovanna Ruffo de Catanzaro et celui d'un Ruffo qui, aux dires de plusieurs historiens, était son beau-père Corrado lui-même.

Cependant Carlo I est toujours en danger, et il rejoint la Reine Jeanne qui s'était embarquée en 1347 pour la Provence afin d'obtenir la protection du Pape. Il faut savoir que le Roi de France, Philippe le Bel, s'était arrangé pour obtenir la présence de la papauté à Avignon, en territoire appartenant à Jeanne I, Comtesse de Provence.

 
 Castel Nuovo (Château neuf), Naples >

 

A ce moment tragique, de 1347 à 1352, la "Grande peste noire" fait 25 millions de mort en Europe. A Naples, 100.000 morts, Avignon 30.000, Paris 80.000, Londres 50.000. En effet, le 1er Novembre 1347, des galères génoises 'pestiférées' avaient libéré des rats à Marseille. La Reine Jeanne y débarque en pleine épidémie. On avait recensé 11.000 morts à Avignon, en un mois et demi, juste avant l'arrivée de la Reine...

 

< Vêtements au 14e siècle
 

Dès son arrivée à Aix-en-Provence, elle est arrêtée par un groupe de barons. Louis de Tarente obtient la libération de son épouse, et celle-ci peut enfin se rendre à Avignon où elle plaide elle-même sa cause devant le Pape Clément VII. Ne lui trouvant que des soupçons de culpabilité, le Pape ne la condamne pas, et traite avec elle. Ayant besoin d'argent, la Reine cède la ville d'Avignon à Clément VII pour la somme de 80.000 florins, ce qui lui permet de monter une expédition militaire afin de reprendre possession de son royaume. Expédition à laquelle prit part Carlo I Ruffo de Sinopoli.

 

La guerre contre le Roi de Hongrie se termine en 1352. Après bien des péripéties, le Prince Louis de Tarente est couronné Roi de Naples. Louis de Durazzo, beau-frère du comte Carlo Ruffo de Montalto, se met à la tête des mécontents, et suscite un état de guerre civile. Après plusieurs années de troubles, il est emprisonné au château Neuf, à Naples, et y meurt probablement empoisonné.

Le Roi Louis de Tarente, souverain médiocre, décède la même année, et Jeanne épouse en troisièmes noces, Jacques de Majorque, Prince d'Aragon. Le royaume de Naples retrouve un calme relatif, tandis que Louis d'Anjou, frère du Roi de France Charles V, cherche à se rendre maître de la Provence. En 1370, la Reine l'apaise en lui laissant "espérer" sa succession. Charles de Durazzo avait passé plusieurs années à la cour de Hongrie. Il désire venger la mort de son père Louis dont nous venons de parler. Il est donc une menace pour Jeanne. Elle résolut de se l'attacher par le lien de l'intérêt, en lui faisant épouser sa nièce Margherita, et en leur promettant le trône.

Jeanne adopte donc Charles de Durazzo après avoir fait des promesses au Pape d'Avignon, et au Roi de France en faveur de Louis d'Anjou...! Inconséquence qui va lui coûter très cher.


Charles III de Durazzo

Le Pape Urbain VI à Rome, le Pape Clément VII à Avignon (nous sommes à l'époque du Grand Schisme d'Occident) ont leur part de responsabilité dans ce drame que fut la guerre entre la Provence et le Royaume de Naples. Mais Jeanne a commis une lourde faute en adoptant Louis I d'Anjou au détriment de son neveu et héritier légitime, Charles de Durazzo. La reine agit ainsi par ressentiment et sur de simples soupçons de trahison. Une explication franche avec son neveu aurait pu tout arranger, et l'on eut fait l'économie d'une suite de guerres désastreuses qui se prolongeront pendant les règnes suivants et sous les Rois de France Louis XII et François Ier.

 

La Provence et le Royaume de Naples auraient alors pu bénéficier d'une économie prospère contrastant avec la misère qui fut trop longtemps leur sort par la suite.

 

Avant de continuer à narrer brièvement le déroulement de ces dramatiques guerres dynastiques auxquelles le peuple ne comprenait rien, revenons à l'arrivée en Provence des Ruffo Comte de Sinopoli qui avaient choisi de suivre le parti de Louis d'Anjou dès 1370.

 

Il s'agit de Guglielmo II né en 1343 et de Luigi né en 1345. Ils sont fils de Carlo I Ruffo de Sinopoli et d’Arrigilda Ruffo de Catanzaro (Luigi serait un Ruffo ancêtre des comtes de Laric marquis de Courbons, une branche française éteinte au XIXe. L’existence de ce Luigi est contestée en tant que Ruffo par Montgrand p179 mais il est cité par Papon. Il a sa place dans la généalogie Ruffo de Litta). Il y a aussi Ruggiero, chambellan de la Reine Jeanne I, demi-frère de Carlo, et frère de Folco IV. Son épouse dont on ne connaît pas le nom doit être d’origine provençale puisqu’elle donne à ses enfants des prénoms de cette région : Poncet et Delphine. Ceux-ci accompagnent leur père en 1370 lors de son départ pour la Provence. Delphine épousera Pierre Monge de Velaux, gentilhomme provençal.

Ruggiero meurt en Provence avant 1381.

Nous pensons que l'on peut dater l'établissement définitif de cette branche de la Famille en Provence aux alentours de l'année 1370. Louis I d'Anjou à cette date est adopté par la reine. Au contraire, les fils de Carlo I ont tout à redouter de l'accession au trône de Charles de Durazzo, ennemi de leur père, et nous voyons Guillaume II épouser en 1371 Catherine, fille du seigneur Bertrand d'Allamanon. Ils auront une fille également prénommée Catherine ou Catherinette.

Armes des Allamanon ou de Lamanon,  en Provence >

 

En 1381, Guillaume II pour assurer l'avenir de cette fillette âgée de neuf ans, déjà orpheline de sa mère, lui choisit pour mari Poncet Ruffo, fils de son oncle Ruggiero. Et comme il ne reviendra pas de cette aventure hasardeuse que fut la guerre entre Naples et la Provence, on peut dire qu'il fut bien inspiré !

Fidèle à Louis I, Guillaume II mourra en Italie, probablement en 1383 (voir plus loin), sans avoir pu rentrer en possession des fiefs de son père.

 

Les archives Ruffo de Bonneval conservent un acte authentique daté du 14 août 13 81, reçu par Maître Pincinatti, notaire à Aix, en présence des témoins suivants: Fulco d'Agout, sénéchal de Provence (le plus haut dignitaire du royaume), Louis de Glandevès, Isnard de Pontevès, Raymond de Candolle etc, tous seigneurs très puissants de l'entourage du Roi Louis d'Anjou (Montgrand p.217).

< Ruines sur le site du
château de Lamanon
 

Cet acte rédigé en latin énonce que :

 « Moi Guillaume Ruffo chevalier originaire de Calabre, fils de feu magnifique et puissant seigneur, Carlo Ruffo Comte de Sinopoli, assure que voulant me rendre à Naples d'une manière hostile et ennemie, avec Monsieur le grand Sénéchal de Provence et plusieurs autres gens de guerre, nobles et magnats de ladite province, pour aller secourir la Sérénissime Reine Jeanne qui, dit-on, est assiégée par Carlo de Durazzo dit de la Paix qui veut envahir son royaume. À ces causes, voulant et désirant, tandis que je suis en vie, disposer avant ma mort d'une partie de mes biens, tant par raison de consanguinité (ou les liens de sang) que de la sincère affection que j'ai toujours eue envers vous, noble damoiseau Poncet Ruffo, fils de feu Roger Ruffo, chevalier, mon oncle, depuis le jour qu'il est près de moi, que aussi en vue du futur mariage qu'il a été convenu et non encore célébré entre vous, ledit Poncet, d'une part, et noble Catherine, ma fille unique et très chérie, d'autre part, lequel mariage sortira à son plein et entier effet en face de la sainte mère l'Église et sera par vous consommé lorsque ladite Catherine, ma fille commune, et de feue noble Catherine d'Allamanon mon épouse, aura accompli sa seizième année. etc...

 

Et moi Guillaume donne tous mes biens situés en Provence, ma patrie, et particulièrement le fief de Lamanon, que j'ai reçus de Bertrand d'Allamanon, mon beau-père, pour la dot de ma femme Catherine, fille dudit Bertrand, à vous Poncet Ruffo, mon cousin et futur gendre, à condition de renoncer, ainsi que vous l'avez promis, à tous les biens que moi, Guillaume, possède de l'héritage de feu magnifique seigneur, mon père, tant dans la ville de Naples que dans le Royaume de Sicile. Voulant encore que vous, ledit Poncet, demeuriez fidèle à la sérénissime Reine de Jérusalem et de Sicile, et au sérénissime Prince Louis d'Anjou, que ladite Reine a désigné pour son successeur et héritier de ses royaumes et comtés, et que vous portiez les armes et fassiez la guerre à leurs ennemis... »

 
< Porte Nord du château de Lamanon
 

Cet acte capital de 1381 confirme, à ce moment, la mort de Carlo, de Ruggiero et aussi de Catherine d'Allamanon. Il nous apprend que Carlo fut le deuxième Comte de Sinopoli. Poncet y est qualifié de damoiseau, terme des plus nobles, signifiant « aspirant chevalier ». D'après les termes de l'acte, on devine que Guillaume II a non seulement l'intention de reconquérir ses fiefs en Calabre, mais qu'il désire aussi se remarier et y faire souche. Il n'a que trente-huit ans! Voulant assurer l'avenir de sa fille Catherine, héritière de sa mère, il choisit comme fiancé légal Poncet Ruffo son cousin, moyennant certaines conditions bien stipulées dans un acte officiel.

 

Poncet est un homme d'honneur, il sera fidèle à toutes les promesses faites à son cousin et futur beau-père. C'est un homme de paix, il ne participera pas aux guerres de Louis I et de Louis II. En 1387, il épouse Catherine. Il assiste aux états généraux de Provence, en 1396, et prête hommage entre les mains du Roi Louis II, en 1399.

 

Ce que l'acte de 1381 ne dit pas, c'est que probablement pour affirmer sans aucune équivoque qu'il renonce à tous les biens éventuels de son beau-père dans le royaume de Naples, Poncet change d'armoiries tout en gardant devise et cri de guerre: « Vis unita fortior » et « Nobilissima et vetustissima ». Il prend d'argent à trois pals de gueule, à la bande d'azur brochant sur le tout, chargée de trois besants d'or. Sans doute en souvenir du fait d'armes de la croisade dont nous avons déjà parlé. En 1417, son cousin Nicola Ruffo de Calabre, Comte de Catanzaro, Marquis de Crotone, le mandate comme fondé de pouvoir afin de lui acheter un îlot de maisons dans la ville d'Avignon. Poncet Ruffo fut inhumé dans le cloître des Pères Cordeliers de Salon en 1423, ville où il s'était établi.

Le fief de Lamanon, en Provence >

 

Il reste à Lamanon, (fief du diocèse d'Avignon) quelques vestiges du château féodal du XIIe siècle: les ruines des murs d'enceinte, des grottes qui servaient de dépendances et une petite chapelle romane. Les Ruffo de Lamanon du XVe siècle ont fait restaurer cette chapelle. Situés en zone rouge (risque d'incendie), ces souvenirs émouvants ne peuvent pas être visités en juillet-août.

 

Poncet eut deux fils, Antoine et Jean dont descendent les Ruffo de Lamanon, ceux de Beauvezet, branches éteintes aujourd'hui, et les Ruffo de Bonneval, Marquis de La Fare, présents en Belgique au XXIe siècle. Il est intéressant de rappeler que les descendants de Poncet et Catherinetta ont pour ancêtres deux poètes du XIIIe siècle: Fulco I Ruffo dont nous avons évoqué les mérites plus haut, et Bertrand d'Allamanon qui est selon Papon (p. 437 et 443) le "troubadour le plus connu de Provence".

 

Comme tout bon troubadour, il chantait l'amour de 'sa belle', mais on a aussi de lui bon nombre de considérations politiques fort pertinentes. Il jugeait sévèrement Charles I qu'il avait suivi en Italie dans sa conquête du Royaume de Naples. C'était en 1265. Il a probablement été frère d'armes de Fulco I rallié à Charles I, et l'on peut imaginer les deux troubadours échangeant des rimes au cours d'une joute d'esprit à la mode du temps...

En 1796, les descendants de Poncet et Catherinetta, lors d'un jugement rendu à la cour de Naples, seront reconnus comme authentiques descendants du Comte Guglielmo I Ruffo de Sinopoli, et autorisés dès lors à reprendre leurs anciennes armes, en écartelant celles-ci avec celles prises par Poncet.

 

Revenons à la cour de Naples et à Jeanne I.

En 1375, Jacques d'Aragon étant décédé, Jeanne I convole en quatrièmes noces avec un excellent militaire, le Prince Othon de Brunswick. Ce mariage inquiète Charles de Durazzo. Le Pape Urbain VI, à Rome, l'invite à renverser Jeanne. La Reine l'apprend et décide de reconnaître le Pape Clément VII à Avignon, favorisant ainsi le drame qui allait diviser la chrétienté jusqu'en 1416. C'est ce qu'on a appelé « le grand schisme d'Occident ».

Urbain VI à Rome excommunie Jeanne, la déchoit de la royauté et offre son trône à Charles de Durazzo. Celui-ci fait appel au Roi Louis de Hongrie pour conquérir le pays. La réaction de Jeanne est immédiate. Elle adopte Louis d'Anjou et le pape Clément VII ratifie les lettres d'adoption.
Presque toute la noblesse napolitaine se déclare pour Charles qui est né dans le pays, d'autant plus qu'elle craint l'arrivée au pouvoir d'un prince français. Charles III est couronné à Naples en 1381. Il assiège la Reine et sa cour réfugiées dans le Château Neuf en attendant les secours promis par Louis d'Anjou.

À la tête des troupes napolitaines, le Prince Othon, son époux, cherche à dégager le château, mais il est fait prisonnier et la Reine est reléguée au château de Muro, en Basilicate. Jeanne connaît une fin tragique en 1382. Son neveu Charles III ordonne qu'elle soit étouffée entre deux matelas. Cette malheureuse princesse avait de brillantes qualités mais elles furent ternies par ses passions. Les faiblesses de l'amour et les emportements de la haine furent la source de tous ses malheurs et l'empêchèrent de discerner quel était le bien véritable de ses peuples.

 

Louis I d'Anjou
(1382-1384)

Charles III de Durazzo
(1382-1386)

 

La mort de Jeanne I est tenue secrète. Louis d'Anjou l'ignore lorsqu'il arrive en Italie à la tête de 40.000 hommes. Un grand nombre de seigneurs Napolitains viennent se ranger avec leurs vassaux sous sa bannière. L'armée se trouve alors forte de 65.000 chevaux. C'est plus qu'il n'en faut pour conquérir le royaume. Mais il faut forcer des défilés, assiéger des places, se diviser en plusieurs corps pour subsister. Un premier engagement sérieux permet aux français de pénétrer en Pouilles.

 
< Louis Ier d'Anjou
 

Rusé, Charles III prend dès lors le parti de refuser le combat. L'armée française, découragée par l'inaction, s'affaiblit de jour en jour par les désertions et la famine. Charles III s'empare finalement de certains défilés, resserrant l'armée adverse dans ses camps où celle-ci manque bientôt de fourrage et de vivres.

Les maladies apparaissent et il n'y a plus d'argent. Néanmoins les Français pénètrent dans la plaine de Foggia. Louis propose jusqu'à dix fois la bataille à son adversaire, en vain. Finalement, malade et accablé de chagrin, Louis I d'Anjou, Roi de Naples et de Sicile, meurt à Bari en 1384.

Après sa mort, les seigneurs proclament son fils Louis II, Roi de Naples; il n'a que sept ans! Ils conduisent l'armée rangée en bataille devant Barletta où Charles III s'est enfermé. Celui-ci ne sort pas de la ville. Les troupes angevines, déconcertées, se retirent alors dans les places qu'elles ont conquises dans les Abruzzes, dans la terre de Bari, etc. Mais presque tous les Français rentrent chez eux.

 

Guillaume II Ruffo s'était engagé avec Louis I d'Anjou à la conquête du Royaume de Naples, dans le but clairement avoué de récupérer les biens de son père, tant à Naples qu'en Calabre (voir acte de donation à son cousin Poncet). On peut supposer que les dispositions de Louis I à son égard se sont matérialisées dès l'arrivée en Italie, en 1382, et qu'il ait été fait par le Roi Comte de Sinopoli, fief à reconquérir! Toutefois il mourut peu de temps après.

 
Château de Scilla   >
 

Caridi donne (p. 25) un détail fort intéressant :

« L'adhésion aux Durazzo coûta à Fulco IV la confiscation par Louis II (en réalité Louis I) du Comté de Sinopoli. Lequel en septembre 1383 l'offrit au noble provençal Jean de Baume Seigneur de la Vallière. »

L'investiture des fiefs dépendait du bon plaisir des rois qui récompensaient ainsi les services de leurs fidèles, tout en maintenant ces fiefs autant que possible dans la famille d'origine.

C’est une bonne politique familiale que les différentes branches d’une maison prennent parti pour l’une ou l’autre des dynasties rivales afin de maintenir dans leur lignage les fiefs qui dépendent du souverain.

 

Le fief de Sinopoli est donc concédé en septembre 1383 à un seigneur de la suite de Louis I. Il nous parait évident qu'à cette date, Guillaume II, après avoir sans doute été un éphémère troisième Comte de Sinopoli, est décédé, soit sur le champ de bataille, soit comme tant d'autres, de maladie. Le rêve napolitain a pris fin, mais en prévoyant les épousailles de sa fille Catherinetta avec son cousin Poncet, Guillaume II s'est assuré une descendance de son nom en Provence.

 

Le royaume de Naples sortait des guerres appauvri, divisé et décimé. Charles III de Naples suscite des difficultés à Louis II d'Anjou et s'est assuré une grande partie de la Provence par une trêve. Désormais il se sera plus inquiété dans ses propres états.


Charles III avait d'immenses qualités mais son ambition démesurée ne lui permit pas de les déployer. La noblesse de Hongrie, insoumise à la Reine Élisabeth, lui offre la couronne de ce pays. Quoique plusieurs raisons devaient le retenir à Naples, il part pour Budapest où il noue quelques intrigues. Dissimulant sa haine, la Reine Élisabeth l'invite chez elle. Il s'y rend sans méfiance, et est abattu d'un coup de sabre le 5 juin 13 86. A quarante ans, il laisse un fils de onze ans, Ladislas, ainsi qu'une fille, Jeanne II. Ils seront les derniers Anjou à régner au Royaume de Naples...

 

Château de Scilla v
A la mort de Charles III, en 1386, qui suit de deux ans celle de Louis d'Anjou, les deux royaumes frères de Naples et de Provence sont dans une situation paradoxale et critique.

 

(1389-1417)  En Provence :
Louis II d’Anjou

(1385 - 1414)  A Naples :
Ladislas

 Un enfant de douze ans,
confié à la tutelle de sa mère
la Reine Marie

Protégé par le Pape Clément VII d'Avignon

Menacé dans ses états
par les partisans de Ladislas

Un enfant de onze ans,
confié à la tutelle de sa mère
la Reine Marguerite

Protégé par le Pape Urbain VI
de Rome

Menacé dans ses états
par les partisans de Louis II

Et tous les deux élevés dans la haine l'un de l'autre…

 

 

Louis II d’Anjou
(1389-11417)

Ladislas de Naples
(1385-1414)

 

 
 
 
 
 
< Le Roi  Louis II
 d'Anjou

 

 

 

Ladislas
de Naples >

 

 

 

 

 

 

Nous sommes en l'année 1385. La Reine Marie, épouse de Charles III assassiné à Budapest, est régente. Elle cherche à rallier autour de son jeune fils Ladislas les seigneurs qui avaient combattu pour Louis I. Elle confirme Niccolo Ruffo de Calabre, Comte de Catanzaro, dans tous ses fiefs et le nomme Vice-roi des Deux Calabres. Il reçoit le titre de Marquis de Crotone en 1390, titre rarissime à l'époque, et est investi des terres que sa tante Giovanna Ruffo, déclarée « rebelle », a perdues ayant pris le parti des Anjou et refusant de se soumettre. Il est un des plus puissants seigneurs du royaume.

La régente offre à Othon de Brunswick sorti de prison, quatrième mari de la Reine Jeanne I, la conduite des armées avec un pouvoir absolu. Othon reconquit Naples et plusieurs provinces encore aux mains des partisans de Louis II. Mais hélas le pays est ravagé, la Reine et ses enfants sont dans la misère.

Ville de Crotone dont Pietro II est Seigneur >

 

En Provence, la situation n'est guère meilleure. Les villes se révoltent à l'instigation des alliés de Ladislas, parmi lesquels les très puissants Jean et Louis Grimaldi. Nous rappelons qu’il y eut plusieurs alliances matrimoniales entre les Grimaldi de Monaco et les Ruffo. Louis II d'Anjou couronné à Avignon en 1389 par le Pape Clément VII, reprend la guerre contre Naples.

 

Niccolo, Comte de Catanzaro rejoint la cause d'Anjou, ainsi que d'autres seigneurs parmi lesquels nous trouvons son frère Giovanni Ruffo, de l'ordre de Rhodes (Malte), Prieur de Ste Euphémia d'Aspromonte (Comté de Sinopoli); Giovanni Ruffo, Seigneur de Bovalino, et ses fils Niccolo et Enrico; son frère Fulco Ruffo; Giovanni Ruffo, Seigneur de Condoianni; Niccolo Ruffo, Seigneur de Badolato, et encore son frère Stefano,...

 

Neuf années de guerre, avec des alternatives de succès et de revers pour chacun des adversaires, aboutissent en 1399 au rapatriement de Louis II en Provence avec le reste de son armée...

Ladislas résolut de marcher contre les barons rebelles. Le premier contre lequel il sévit est Niccolo, Comte de Catanzaro et Marquis de Crotone, qui possède en Calabre plus de quinze villes et quarante châteaux. Ladislas le dépouille de ses biens, lui promettant de les lui rendre s'il se soumet.

 

Tour du château de Crotone

 


 

 

 

 

 

 

 

< Donjon Nicolas Ruffo à Barbentane en Provence,
     armoiries au sommet.
 

Niccolo persiste dans sa fidélité envers Louis II d'Anjou. Il confie aux français Crotone et Reggio qui résistent encore, et il passe en Provence à bord d'un navire de Louis.

 

En récompense de sa fidélité, il reçoit du Roi, en 1405, l'importante Baronnie de Berre avec toutes les seigneuries avoisinantes : Martigues, Lançon, Rognac, Barbentane,... En secondes noces, il va épouser Marguerite de Poitiers, famille illustre et puissante, alliée à la Maison royale d'Anjou.

En 1411, Louis II toujours accompagné de Niccolo de Catanzaro, débarque à nouveau en Italie avec le soutien du Pape Jean XXII. Papon cite: « le Marquis de Crotone parmi les personnes de considération qui partageaient avec le Roi Louis le commandement de cette armée. ».

Le choc a lieu près de Monte Cassino. La bataille est un terrible corps à corps. Les français, plus intrépides, enfoncent les napolitains.

 

Le Roi Ladislas s'enfuit à pied laissant sur le champ de bataille l'élite de ses soldats et parmi les prisonniers, dix comtes et plusieurs seigneurs de marque. Mais Louis II ne peut tirer parti de sa victoire à cause de ses hésitations. Il laisse à Ladislas le temps de se ressaisir et de se fortifier dans San Germano. Ladislas répète la tactique efficace mais peu glorieuse qui avait donné à son père Charles III la victoire sur Louis I : il bloque les défilés que les français doivent traverser pour atteindre le royaume. Minés par la famine, les désertions, condamnés à l'inaction, Louis II et ses troupes se replient épuisés en Provence.

Louis II meurt à Angers en 1417 laissant trois fils : Louis III d'Anjou, qui reprendra la guerre, René dit Le Bon, qui régnera à Naples, et Charles, Comte du Maine qui épousera en 1434 Cobella III Ruffo, nièce de la Reine Jeanne II.

Louis d'Anjou a aussi des filles : Marie qui épousera Charles VII, Roi de France, et Yolande qui épousera le Duc de Bretagne. Cobella III Ruffo de Montalto devient ainsi par son mariage avec Charles la belle-sœur de trois rois. Nous parlerons d'elle plus loin.

Débarrassé de Louis II, Ladislas se tourne contre les États Pontificaux dont il chasse le pape en 1413. Il s'éteint en 1414 laissant le trône à sa sœur Jeanne II, dernière héritière.

 

La Provence est appauvrie, dévastée à la suite des guerres, le commerce anéanti, la population décimée par la grande peste noire est réduite à trois cent mille habitants,. Quant au royaume de Naples, ce n'est guère mieux. Charles II le Sage et Robert le Bon sont les seuls Princes d'Anjou à laisser de bons souvenirs à leurs sujets.

 

Nous avons parlé des Ruffo fixés en Provence qui vont y faire souche, et s'y maintiendront jusqu'au XIXe siècle avant de s'établir en Belgique. Mais qu'en est-il de ceux restés à Naples?

 

Les Ruffo du Royaume de Naples

 

A la fin du XIVe siècle, il y a trois branches principales:
1) Les Ruffo Comtes de Catanzaro,
                     représentés surtout par Niccolo, marquis de Crotone, branche aînée;
2) Les Ruffo Comtes de Montalto, parents du Roi Charles III;
3) Les Ruffo Comtes de Sinopoli, qui se subdiviseront en plusieurs branches par la suite

                     et sont les ancêtres des Ruffo des Temps Modernes.

 

Les Ruffo de Montalto sont issus de la branche des Comtes de Catanzaro. En 1327, Giordano devient le 1er Comte de Montalto. Capitaine Général, il fut armé Chevalier par le Roi Charles II. Il est enseveli à Naples dans la chapelle des Ruffo.

Montalto >
 

Son fils Carlo I, 2ème Comte de Montalto, épouse Laudune de Sabran, cousine du Roi Charles I, puis Giovanna Sanseverino, sœur de Marguerite, mère du Roi Charles III de Durazzo. Par ce mariage, Carlo I devient cousin germain du Roi.

 

Antonio, 3e Comte de Montalto, hérite des vastes fiefs de ses parents. Il est un des plus importants seigneurs du royaume. Le Roi Charles III, son cousin, le nomme conseiller dès son accession au trône. En 1381, il le nomme Capitaine Général, et Vice-roi de Calabre, et lui concède les fiefs de plusieurs seigneurs qui avaient pris le parti de Louis d'Anjou. Il épouse Giovanella, une Sanseverino.

 

Leur fils Carlo II épouse Ceccarella, aussi une Sanseverino; et leur fille, Cobella II, épouse encore un Sanseverino, du nom de Ruggiero, Duc de San Marco.

Ces nombreuses alliances avec la puissante famille Sanseverino font partie d'une politique matrimoniale qui tend à tisser des liens familiaux capables d'accroître la puissance de la Famille Ruffo, tant par l'influence politique que par les possessions domaniales. Ainsi en est-il des trois Cobella Ruffo de Montalto que nous désignons par les chiffres I, II et III, afin de ne pas les confondre. Pour la bonne compréhension du texte, il est utile de consulter ici la généalogie Ruffo de Montalto.

 

Cobella I, fille de Giordano, épouse Corrado d'Antioche, puissant seigneur apparenté à la maison royale de Souabe, arrière-petit-neveu de Frédéric II, empereur et Roi de Sicile.

 

Cobella II, Comtesse d’Altomonte et de Corigliano, Duchesse de San Marco, par son mariage avec Roger Sanseverino, est la fille d'Antonio, 3ème Comte de Montalto. Elle est une intime de la Reine Jeanne II.

Une magnifique pierre tombale située dans la chapelle des Sanseverino de l'église des dominicains d'Altomonte en Calabre en rappelle le souvenir. On peut y lire l'inscription suivante :

 « Issue de l'illustre race des anciens Ruffo et unie par le sang à nos Rois, la Comtesse Cobella, que la Reine Jeanne tint en grande amitié, jadis épouse du puissant Comte Ruggiero, et mère du Duc de San Marco, repose dans ce tombeau de marbre, pleine d'années et en compagnie de ses vertus. Juillet l'enleva tandis que le soleil brûlait sous le signe du Lion, de l'an du seigneur MCCCCXXXXVII ». (=1447)

 
Cloître de Montalto >

 

Une petite parenthèse pour souligner les mots : « issue de l’illustre race des anciens Ruffo ». Serait-ce une allusion à l’ascendance romaine de la famille. Opinion admise à cette époque. Nous savons aujourd'hui que cette grande dame, héritière des comtés d'Altomonte et de Corigliano, a également été mécène. C'est à elle que l'on doit un très beau retable (de la passion du Christ) datant de 1410 qui se trouve dans le cloître de l'ancienne et splendide église Santa Maria della Consolazione à Altomonte, aujourd'hui aménagé en musée.

 

Carlo, 5ème Comte de Montalto eut deux filles, Polissena et Cobella III. Les deux sœurs sont cousines de la Reine Jeanne II. Mais leur intimité avec celle-ci était telle qu'on les surnommait les « nièces de la reine ». Polissena, après avoir épousé le Grand Sénéchal du Royaume, Jacques de Mailly, convole en deuxième noces avec Giovanni Francesco Sforza, futur Duc de Milan, dont la mère est une Visconti. Par malheur, elle meurt en donnant le jour à une petite Antonia qui n'a pas survécu. Les biens immenses des Ruffo de Montalto passèrent alors à sa sœur Cobella III.

Les mariages des deux sœurs ont une raison politique. L’immense fortune Montalto doit rester entre les mains de ceux que la reine veut favoriser. Cobella III vécut auprès de la Reine Jeanne II. Nous reparlerons d'elle au chapitre « Les Ruffo au XVe siècle ».

Ville d’Altomonte >

 

Au sujet des Ruffo Comtes de Sinopoli, Livio di Serra, Prince de Gerace, cite Fulco IV comme 4ème Comte. Il est fils de Guglielmo I, 1er Comte de Sinopoli, et d'Eloïsa d'Erovilla. Il épouse Cobelle d'Alife, puis Martuscella Caracciolo, puissante famille napolitaine qui s'alliera de nombreuses fois avec les Ruffo. On ne lui connaît ni charges à la cour ni commandement dans l'armée, mais il est évident que Fulco IV a suivi ses cousins Montalto en soutenant le parti de Charles III. Son neveu Guillaume II guerroyait dans le Royaume de Naples à la suite de Louis I d'Anjou qui l'investit en 1382 Comte de Sinopoli (Livio di Serra le donne pour tel). Mais finalement Charles de Durazzo investit Fulco IV en tant que Comte de Sinopoli en 1383. Celui-ci adopte pour devise « Omnia bene ».

 

Sa descendance est encore importante au XXIe siècle. Citons en particulier Donna Paola Ruffo di Calabria des Princes de Scilla, qui épouse le Prince Albert de Belgique et deviendra la sixième Reine des Belges.

 

 

 

De la branche des Ruffo Comtes de Sinopoli sont issus les nombreux rameaux suivants :

Les Princes de Scilla,
devise: « Omnia Bene »

Les Princes della Scaletta,
devise: « Vis unita Fortior »

Les Ducs de Bagnara,
devise: « Vis unita Fortior » (branche éteinte);

Les Princes della Floresta,
devise: « Vis unita Fortior »

Les Princes de Castelciccala,
devise: « Nunquam retrorsum » (branche éteinte);

Les Ducs de Baranello (branche éteinte).

 

Le cimier est commun à toutes les branches de la Famille, en Italie comme en Belgique.

 

Rappelons ici le cri de guerre et la devise des Ruffo de Bonneval de La Fare issus des Ruffo de Sinopoli qui sont:

« Vis unita Fortior » et « Nobilissima et Vetustissima »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Château de Scilla