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Chapitre VII

 

Les Ruffo au XIIe siècle

Roger II (1101-1154)

 

Le règne de Roger ler de Sicile se termine en apothéose. Tout lui a réussi. Il édifie un Etat comme il n'en a jamais existé, fait de tolérance et d'équilibre entre ses sujets musulmans et chrétiens. Cette idée totalement étrangère aux esprits du Moyen Age dût beaucoup surprendre ceux des nôtres qui reviennent de la Croisade. 

 

Jusqu'à la mort de Frédéric II survenue en 1250, le royaume normand va bénéficier d'une période de paix assez exceptionnelle pour l'époque, avec pour conséquence un épanouissement économique et culturel bien géré, qui va le placer au premier rang des nations européennes. Aux temps féodaux, le pouvoir monarchique solitaire est inconnu. L'exercice de l'autorité ne se conçoit pas sans conseil. Familiers, juristes, chefs militaires, comtes et barons fieffés en font partie. Le Conseil devient le véritable organe d'un gouvernement centralisé. La Calabre n'en est pas tenue à l'écart. Vassaux du Souverain, les Ruffo font partie de sa Cour. Certains d'entre eux, par exemple Giordano Vice-roi de la Vallée Péloriade, et Gervasio commandant d’une province, font partie de son conseil (vers 1120).

< Sacre de Roger II Roi de Sicile

 

C'est sans doute ce Giordano qui est l’auteur de la branche vraisembla-blement importante mais non étudiée, des Ruffo dits « de Sicile ».

Roger a des comptoirs commerciaux en Afrique du Nord qu'il faut défendre. Un émir arabe vient piller les côtes calabraises et massacrer la population de Nicotera. C'est l'occasion d'intervenir. Une armada de trois cents vaisseaux, mille chevaliers et trente mille hommes d'armes, avec à leur tête un homme exceptionnel, Georges d'Antioche, participe à cette guerre d'Afrique. Elle a lieu en 1123 sans donner le résultat espéré. Nous la citons parce qu'elle intéresse directement les Ruffo dans cette guerre, commencée sur leurs terres.

 

Le titre de Duc ne correspond plus à l'ampleur de la puissance du second Roger. Il lui faut celui de Roi. Le pape Innocent II, soutenu par l'empereur Lothaire d'Allemagne, s'opposait à l'antipape Anaclet, candidat de Roger. Ce dernier promulgue une bulle accordant la couronne désirée. Le sacre de Roger II a lieu en 1130 et donne lieu à de somptueuses fêtes. Le Roi entouré de dignitaires religieux et laïques, s'avance dans la cathédrale, paré comme une icône, revêtu de son splendide manteau de sacre, chef d'œuvre de l'art palermitain. Le Prince de Capoue le ceignit de la couronne royale inspirée de Byzance. Puis au palais, il y eut un banquet fabuleux.

Dans un décor digne des contes de mille et une nuits, des officiers royaux vêtus de livrées de soie servent sur des plats d'or et d'argent les mets les plus raffinés, dans un luxe inouï, quasi oriental.

 

Raison 7 de l’origine Byzantine des Ruffo :

Roger II veut affermir le pouvoir royal sur ses barons en diminuant leur nombre et en exigeant qu’ils lui présentent leurs anciens titres afin qu’ils soient reconnus ou annulés.


Cloître d'un monastère palermitain >
Jacques Ruffo

Hélas, les grands féodaux un instant subjugués par l'éclat de la majesté royale mais irrités par une gloire tapageuse qui sonne le glas des traditions féodales, soutenus par la majeure partie de l'Eglise, se révoltent contre le roi de l'antipape Anaclet. Ce « soulèvement des barons » dura huit ans, et fut noyé dans un bain de sang. Les historiens ne parlent ni de révolte ni de répression en Calabre. Ce qui voudrait dire que les Ruffo restent du côté de Roger II et probablement que la possession de leurs fiefs n’a pas été contestée. Du reste Roger II leur en confie d’autres encore.

 

< Palais des Rois Normands

 

L'antipape Anaclet meurt opportunément. Finalement le Pape Innocent II finit par accorder à Roger la dignité royale en 1139.

 

Le Cardinal diacre Pietro Ruffo, qui n’est pas prêtre ce qui n’était pas indispensable pour être nommé Cardinal, avait pris le parti d'Innocent II contre Anaclet. En 1118, il fut créé Cardinal diacre avec le titre de Sainte Marie in Cosmedin. Il combattit également l'antipape, Maurice Bourdin, qui avait pris le nom de Grégoire VIII. Pietro assista au Concile de Capoue dans lequel furent excommuniés le Pape Grégoire VIII et l'Empereur Henri V qui le soutenait (Montgrand, p. 23).



Roger II aux environs de l'an 1120 donna une grande preuve de sa confiance envers la Famille en octroyant à Giordano Ruffo le vicariat de la vallée des monts Peloritani qui dominent Messine. Qu'une seule famille détienne les deux rives d'un détroit, passage obligé entre deux mers et deux terres d'une importance vitale pour le royaume normand, montre à quel point le Roi les tient en estime, les considère comme alliés et se souvient des services rendus.

 

Les Archives d'Etat de Naples contiennent une partie des archives Ruffo. Dans ces archives, existe un parchemin datant de 1146, écrit sur deux colonnes, en latin et en grec, par lequel le Roi Roger II, en récompense des services rendus fait don à son « cher et féal vassal Gervasio Ruffo » lequel est qualifié de « stratiotikos », (c'est-à-dire de commandant d'une province) de deux seigneuries avec château, celle de Minzillicar et celle de Chabucas, situées dans le terroir de Sciacca, au sud-ouest de la Sicile. 1146 est la date de la prise de Tripoli à laquelle les Ruffo auront pris part et leur aura valu cette promotion féodale.

 

Roger possède à l'est de Palerme une résidence de rêve « la Favera », paradis de verdure et d'eau où le Roi et sa Cour se délassent. Des poètes, des philosophes, des chanteurs étaient reçus à cette Cour de Palerme. Et aussi des historiens, des géographes, des mathématiciens, des astrologues, savants d'origine byzantine et surtout arabe.

 

Bâtisseurs, les normands le sont aussi, en un style unique en Europe. La cathédrale de Cefalu en 1131; celle de Palerme; le Palais Royal dont la Chapelle Palatine est achevée en 1140,… autant de chefs d'œuvre de l'art normand aux influences byzantino-arabes évidentes. Il faut visiter Palerme, admirer les monuments du XIIe siècle en se replaçant à l'époque où ils furent construits et décorés de merveilleuses mosaïques. Ces petites églises typiquement byzantines comme « la Martorana » érigée en 1143 par l'amiral Georges d'Antioche, ou couronnées de coupoles rouges comme San Cataldo et San Giovanni degli Eremiti (1132).

 

Le palais normand - Anne-Marie Ruffo >

 

Sans oublier la cathédrale et le merveilleux cloître de Monreale (1174). Voyez ces charpentes d'églises provenant d'arbres des forêts de Calabre. Allez les visiter! Et retrouvez-y ce que le douzième siècle a créé de stupéfiantes beautés. Reportez-vous à cette lointaine époque qui fut un âge d'or pour l'Italie du Sud et... pour la Famille...En 1146, une armada normande, à laquelle les Ruffo auront pris part avec leurs navires, prend Tripoli, puis Sousse et Bône. La Méditerranée orientale est devenue une mer normande. Roger est un ami de Louis VII, Roi de France. Il offre à celui-ci, en 1147 lors de la seconde croisade prêchée par saint Bernard, de transporter ses armées par mer, sur des vaisseaux siciliens, de leur assurer ravitaillement et renfort, et de se croiser lui-même. Mais il se heurte à l'opposition haineuse de Conrad III d'Allemagne. Qu'on eut accepté cette proposition avantageuse, fait remarquer René Grousset, la deuxième croisade était assurée du succès.

 

Roger II emploie alors ses chevaliers à un autre dessein, car le trône de Byzance est toujours à la hauteur de ses ambitions. Une flotte commandée par Georges d'Antioche se rend à Corfou qui est prise. Puis l'escadre se rend maître d'une partie de la Grèce. Mais elle ne peut aller au-delà. A ce moment, Louis VII après l'échec de sa croisade, revenait en France par mer, et ses vaisseaux rencontrent la flotte sicilienne. Ils naviguent ensemble lorsque la marine byzantine les intercepte, et un furieux combat naval s'engage.

Le Roi de France est sauvé de justesse par un équipage du Roi de Sicile, mais il laisse tous ses bagages aux mains des grecs! Plus grave: un grand nombre de barons français et la Reine Aliénor elle-même ont disparu. Louis VII touche enfin sain et sauf les côtes de Calabre. Trois semaines durant, il reste sans nouvelles de son épouse et de ses compagnons. Il apprend ensuite qu'elle est à Palerme, rescapée d'une aventure qui a failli tourner à la tragédie : prisonnière des Byzantins, Aliénor grâce à une intervention normande avait retrouvé la liberté. Quelques jours plus tard, Louis VII de France et la Reine se retrouvent à Potenza où ils sont les hôtes de Roger II. (P. Aubé, p.190). Le Roi de France fût donc pendant trois semaines angoissantes l'hôte d'un grand seigneur calabrais, peut-être d'un Ruffo, ou plus probablement de Richard II de Loritello, comte de Catanzaro, qui en épousant Clémence, est devenu le gendre du Roi de Sicile.

 

Finalement en 1154, Roger meurt à Palerme. Quelques semaines après son décès naît la petite Constance dont le destin sera de recueillir un jour son héritage d'une fabuleuse richesse.

On évoquera toujours avec nostalgie dans le Sud de l'Italie la figure de ce souverain d'exception, survivant de ces Normands de génie qui en Europe ont marqué de leur empreinte tout le Moyen Age, de la Norvège à la Sicile, et de l'Angleterre à la Russie.

 

Les coupoles rouges de

San Giovanni degli Eremiti - Palerme >


Les historiens se sont extasiés devant la réussi
te exceptionnelle de l'Etat Normand, cet « Etat œuvre d'art ». L'un y verra « une des créations politiques les plus surprenantes de l'histoire ». Un autre écrira « Point avancé de l'Europe féodale, l'Italie normande a vraiment été pour les monarchies occidentales un précurseur et un modèle universellement admiré ».

 


Guillaume Ier, dit le Mauvais (1154-1166)

 

Guillaume Ier, fils de Roger II, n'est pas sans qualités mais il préfère se livrer aux plaisirs, et laisse ses ministres gouverner pour lui. L'émir Maion de Bari a gravi tous les échelons de l'administration sous Roger II et s'entoure de collaborateurs en évinçant l'aristocratie qui ne le lui pardonna jamais. Les vieilles luttes entre féodaux et le pouvoir central reprennent en sourdine, et cette fois les Ruffo font cause commune avec tous les seigneurs et barons de Calabre, de Pouilles, de Sicile et de Campanie.

 

Ils cherchent le soutien de Byzance en se tournant vers le Basileus Manuel Comnène. Celui-ci envoie des troupes en Pouilles et en 1155, l'Italie du Sud échappe à l'emprise normande. L'insurrection gagne même Palerme. Guillaume I se décide à agir et attaque Brindisi, en Pouilles, par terre et par mer. Une défaite totale anéantit les espoirs de Manuel Comnène. En Italie du Sud, la répression est féroce, les prisons de Palerme s'emplissent de rebelles, gravement mutilés. Les grands vassaux s'en souviendront le moment venu. (Villars, p 96)

 

La malchance poursuit aussi le Roi en Afrique où il perd les provinces conquises par Roger II. Maion de Bari, au sommet de sa puissance, distribue à son gré les prébendes, et bénéficie de la confiance du Souverain. Les haines de l'aristocratie et du haut clergé dans les Pouilles, en Campanie et en Calabre, s'accumulent sur le ministre. Une conjuration se forme dans l'ombre mais personne ne prend la responsabilité de supprimer le ministre détesté. Matthieu Bonnel, dont la famille possède de vastes terres en Sicile et en Calabre est un jeune homme d'avenir. Maion de Bari lui a promis sa fille en mariage. Mais celle-ci est une fillette, et Mathieu est éperdument amoureux d'une riche et belle veuve, Clémence de Catanzaro, fille naturelle de Roger II, et épouse d'un Loritello. Elle réside dans un des palais royaux de Palerme.

 

Pour les séparer, Maion envoie son futur gendre en mission officielle de pacification, en Calabre! Furieux, clamant sa haine, Mathieu est vite plaint, choyé, la conjuration s'est trouvé l'assassin idéal. Maion de Bari est tué le 10 novembre 11 60, dans une rue de Palerme. Mathieu est acclamé par la population. Le Roi lui-même doit faire bon visage mais le complot auquel s'est joint une partie de la famille royale rejaillit maintenant contre Guillaume Ier que l'on veut remplacer par son fils Roger, un enfant de neuf ans.

On ouvre les prisons et les captifs politiques se joignent aux barons révoltés. On force l'appartement du Roi. Il doit mourir. Mais soudain un des conjurés effrayé par l'énormité du crime, s'interpose, et on se contente de mettre la famille royale sous les verrous. La population hurle et pille le palais.


Un temps, les Ruffo ont vécu à Tropea

 

Le lendemain, le clergé désapprouve le coup de force contre le Roi. Le peuple de Palerme, versatile, hurle maintenant contre les conjurés assiégés dans le Palais et acclame le Roi qui pardonne, mais fait disparaître le petit Roger, son concurrent involontaire. La passivité du Roi encourage la rébellion qui se propage dans tout le royaume. En Sicile, les conspirateurs sont retranchés dans Butera et Piazza Armerina. Guillaume en soldat retrouve enfin les réflexes de sa race. Il se met en campagne à la tête de ses troupes, détruit Butera et Piazza Armerina. Au printemps 1162, Guillaume franchit le détroit de Messine. Taverna, place forte calabraise située à quelques kilomètres au nord de Catanzaro était devenue un véritable nid de résistance. Elle est prise, brûlée, rayée de la carte. Ses défenseurs aveuglés, les mains coupées, témoignent de ce que la justice du Roi était passée (Aubé, p. 215).

En Pouilles, en Campanie, une à une les cités tombent. Les chevaliers qui ont épousé la révolte sont pendus jusqu'au dernier. Ces terribles années laisseront de durables séquelles. Guillaume en garde le surnom de « Mauvais ». Ayant pris part à la révolte comme tous les autres barons, les Ruffo sont dépossédés d'une grande partie de leurs biens.

Ils vécurent pendant une soixantaine d'années comme de simples seigneurs de petits fiefs calabrais, possédant quelques biens comme Tropea. Désormais éloignés des hautes charges politiques et militaires du royaume. Il n'est pas nécessaire de souligner quel est leur état d'esprit pendant ces années atroces.

 

 

 

< "Tour Pisane"
   du Palais des rois normands à Palerme

Guillaume II, dit « le Bon »

(1166-1189)

 

 

La sage régence de la Reine Margherita rallie tous les opposants. Guillaume II, adolescent d'une grande beauté, force le respect. Son couronnement fait sensation. La Régente libère progressivement les prisonniers politiques, leur rend biens et dignités. Mais elle n'efface en rien sa méfiance envers les grands féodaux écartés du pouvoir. Un musulman s'impose. Menacé par un complot, il prend la fuite. Puis le Chancelier Etienne du Perche vient de Normandie avec tout un entourage à caser.

Guillaume II, église de Monreale

 

A la Cour de Palerme, l'arrivée au pouvoir de ces français provoque un tollé qui gagne la plèbe. La plupart de ceux-ci sont massacrés. Etienne du Perche, créé Archevêque de Palerme, s'est réfugié dans le clocher de la cathédrale! Il obtient la vie sauve à condition de quitter la Sicile avec les rares compagnons qui ont échappé à la tourmente. Les conjurés du temps de Guillaume Ier, y compris les Ruffo, se partagent le pouvoir.

Guillaume II était lié avec Henri II, Roi d'Angleterre, et obtient la main de sa fille Jeanne âgée de onze ans. La Princesse, fait dans Palerme une entrée féérique.

Elle épouse un parfait chevalier à la beauté légendaire, cultivé et d'une grande rectitude morale. Mais si le royaume de Guillaume le Bon connaît la paix à l'intérieur, le souverain est moins heureux dans ses expéditions militaires, à vrai dire plus chimériques que réalistes.

 

< Cloître à Monreale près de Palerme

 

Saladin, un homme de génie, fait main basse sur l'Egypte, et menace d'un encerclement mortel le fragile royaume chrétien de Jérusalem. Malgré l'opposition de ses proches conseillers, Guillaume II décide d'attaquer Alexandrie, en 1174. Une énorme armada se rassemble et débarque en Egypte. Une défense plus importante que prévue précipite la retraite vers les navires, laissant sur le terrain morts et prisonniers, y compris les trois cents chevaliers héroïques qui ont combattu jusqu'au bout pour permettre le réembarquement de l'armée sicilienne.

 

Guillaume II, tout comme ses prédécesseurs, désirait ceindre la couronne de Byzance qui, à la mort de Manuel Comnène, s'enfonçait une fois de plus dans le chaos. Un faux Alexis Comnène est venu se réfugier à la cour de Palerme. C'est l'occasion d'intervenir en Orient. Contre l'avis de ses conseillers, le Roi s'engage dans cette voie avec un corps expéditionnaire colossal. Trois cents vaisseaux sous le commandement du futur Roi de Sicile Tancrède de Lecce, et quatre-vingt mille hommes dont cinq mille cavaliers font partie de cette expédition. Après diverses victoires sur terre et sur mer, la marine et l'armée de terre se retrouvent devant Thessalonique.

 

Par leur action conjuguée, ils s'en emparent sans peine, et avancent vers Byzance où l'annonce de leur arrivée suscite une terreur panique. La plèbe, manœuvrée par Isaac l'Ange, réclame la tête d'Andronic Comnène. Isaac, devenu empereur à la place d'Andronic, prend le commandement des troupes.

 

L'armée normande, fatiguée, gorgée de butin, est détruite par les Byzantins. Si près de se réaliser, le rêve Normand est une nouvelle fois brisé.

 

Scipionne Ammirato cite Giovanni di Sinopoli comme ayant participé à la guerre de Guillaume en Egypte et à celle contre Byzance en 1174. Celui-ci à la mode normande fait suivre son prénom du nom de son fief mais c’est cependant un Ruffo affirme cet historien. C’est une raison de plus pour laquelle il est difficile d’identifier à cette époque tous les membres de cette famille. De plus, il n’existe pas encore d’état civil. Les registres paroissiaux n’existent qu’à partir du XIIIe siècle.

 

La croisade manquée de Tripoli, l'échec à Byzance, le mariage aux conséquences désastreuses, de Constance avec l'héritier de l'empereur d'Allemagne,... démontrent que Guillaume II n'est pas un habile politique. Néanmoins il laisse le souvenir d'un homme juste et bienveillant dont la mort précoce à trente-quatre ans fut pleurée de tous. Son sarcophage se trouve dans la splendide cathédrale de Monreale que le Roi avait fait construire en l'honneur de la Vierge Marie.

 

C'est pendant ce règne que Pietro Ruffo, Archevêque de Cosenza, -qu'il ne faut pas confondre avec le cardinal diacre Pietro Ruffo du temps de Roger II - participe au concile de Latran (en 1179). Il meurt à Cosenza, enseveli lors du terrible tremblement de terre de 1184.

 

 
<  Briatico, fief Ruffo

Tancrède (1190-1194)

 

 

Constance de Sicile, fille de Roger II, par son mariage avec Henri de Hohenstaufen, un allemand exécré, réunit contre elle et son mari tous les barons normands. En 1190, ces derniers élisent Tancrède de Lecce, Roi de Sicile. C'est un petit-fils illégitime de Roger II. Tancrède en avait les qualités, non la prestance. Il avait été de toutes les conjurations à l'époque contre Guillaume le Mauvais. Tous les vassaux, parmi lesquels les Ruffo, se rassemblent autour de sa personne.

 

La Troisième Croisade a lieu pendant ce règne, lorsque Philippe- Auguste, Roi de France, et Richard Cœur de Lion, Roi d'Angleterre, débarquent à Messine pour y passer l'hiver. La côte ouest de la Calabre est rançonnée par les soldats anglais, et il faut toute la patience et le sens diplomatique de Tancrède pour calmer les appétits de Richard Cœur de Lion.

C'est durant cette même croisade que Frédéric Barberousse, Empereur d'Allemagne est mort. Ceci donna à son fils Henri VI, époux de Constance de Sicile, les pleins pouvoirs pour recueillir son héritage en Italie du Sud.

Tancrède prit avec courage en son royaume toutes les mesures militaires et diplomatiques nécessaires. Son fils aîné Roger épouse une fille du Basileus Isaac l'Ange en 1193 à Brindisi. Alliance que la mort de Roger quelques mois plus tard réduit à néant. Tancrède meurt en 1194, après trois ans de règne, anéantissant ainsi tous les espoirs des barons normands, donc également des Ruffo, qui avaient soutenu de tout leur poids le souverain défunt. Tancrède laisse un fils de cinq ans, Guillaume III.
Constance et Henri VI d'Allemagne (1194 - 1197)

< L'Empereur Germanique Henri VI de Souabe

 

La passivité de la régente, la reine Sibylle, épouse de Tancrède, débordée par les événements, semble avoir découragé toute volonté de résistance chez les barons attachés à l'indépendance du royaume normand. Naples ouvre ses portes à Henri VI qui s'est assuré l'appui de la marine de Gênes et de Pise.

En quelques semaines, toute l'Italie méridionale tombe aux mains des soldats germaniques. Le jour de Noël, en présence d'un nombre considérable de pairs, le petit Guillaume III dépose la couronne de Sicile aux pieds de l'Empereur Henri VI. Le lendemain, tous les barons présents dans la capitale furent pris au piège d'un gigantesque coup de filet : jetés en prison, brûlés ou pendus...

 

Ce fût l'horreur; une épouvantable tragédie qui décapitait d'un seul coup la noblesse Sicilienne. L'enfant-roi et sa famille sont envoyés prisonniers en Allemagne, et tous les trésors royaux confisqués prirent la route du Nord.

Peu de temps après, le bourreau de la Sicile normande, frappé d'une crise de malaria, meurt au palais de « la Favara ». Constance le suivit dans la tombe un an plus tard. Ils laissaient un tout jeune enfant de trois ans, Frédéric II, confié à la tutelle de la papauté.

 

Henri VI et Constance de Sicile