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Si
la Reine Jeanne I ère eut une existence mouvementée, que dire de sa
petite-nièce Jeanne II qui défraya la chronique de son temps ! À la mort de son
premier mari Guillaume d'Autriche, elle épouse Jacques de Bourbon. Celui-ci,
devant l'inconduite de sa femme qui a des favoris, la condamne à la
réclusion... Elle se libère et, à son tour, fait enfermer son mari dans une
forteresse dont il s'évade pour se réfugier dans un couvent de Besançon où il
meurt en 1438 !
Débarrassée
de ce mari peu complaisant, Jeanne éprouve une vive passion pour son ministre
napolitain Giovanni Caracciolo. Nous y reviendrons plus loin.
Entre-temps,
en 1420, le jeune Louis III d'Anjou se présente devant Naples à la tête de ses
troupes en tant que prétendant au trône, alors que la Reine a adopté Alfonse V
d'Aragon qui règne déjà en Sicile. Intimidée par les forces de Louis, Jeanne II
l'adopte. Niccolo Ruffo de Catanzaro fait partie de l'entourage de
Louis; il est remis en possession de la plupart ses biens, et en 1429 il
conclut une alliance avec le célèbre condottière Francesco Sforza, futur Duc de
Milan par sa mère qui est une Visconti, déjà veuf de sa cousine, Polissena Ruffo de Montalto, ceci pour récupérer Crotone.
< Jeanne II, Bible de
Naples
Niccolo de Catanzaro est l'aîné de la Famille. Il est un des plus
puissants seigneurs du Royaume. Il n’a pas de fils mais bien quatre filles...
1) Polissena, qui épouse Louis de Poitiers, beau-père de son propre
père(!);
2) Giovanella, qui épouse Antonio Colonna, Prince de Salerne;
3) Enrichetta, qui épouse Antonio de Centelles-Ventimiglia.
Tous les biens considérables de Niccolo II passeront par cette union dans cette Maison.
4) Gozzolina, qui épouse Lucas Sanseverino, Prince de Bisignano.
Il est le fils de Ruggerio Sanseverino et de Cobella
II Ruffo de Montalto.
Ainsi
la branche aînée des Ruffo, celle des Ruffo de Catanzaro, qui
avait atteint tant de puissance et de prestige, s'éteint à cette époque par les
femmes. Il en est de même pour les Ruffo de Montalto, avec deux filles
héritières : Polissena et ensuite Cobella III.
Montgrand
décrit Cobella III comme étant « une femme aussi virile que
terrible ». Papon assure qu' « elle joignait à la méchanceté
la plus noire tout l'orgueil d'une naissance illustre ». Ferrante
della Mara dit qu’elle est « de nature si méchante qu’elle n’aimait et
n’était aimée de personne ». Par contre, on dit qu'elle était une femme
belle, cultivée autant qu'on pouvait l'être à cette époque. Elle a épousé
Giovanni Antonio Marzano, Duc de Sessa, dont elle a un fils, Marino.
Avant
cette naissance, soit pour cause de mésentente, soit par crainte d'un autre
accouchement toujours si dangereux à cette époque, elle quitte son mari pour
aller vivre auprès de sa tante vieillissante, la Reine Jeanne II. En réalité,
la Duchesse de Sessa exerce sur la Reine une influence très grande, voire
prépondérante, et plutôt néfaste. Nous avons vu que la
Reine avait une vive passion pour son Grand Sénéchal Giovanni Caracciolo. Ce
seigneur, aussi ardent à s'enrichir qu'à tout faire plier sous sa volonté,
s'était fait de nombreux ennemis. Une conspiration dont faisait partie Cobella III,
se trame dans l'ombre. Celle-ci hait « le Caracciolo » pour des
raisons personnelles, et elle jure sa perte. Un jour de 1432, le ministre
toujours insatiable réclame à Jeanne II la principauté de Salerne et le duché
d'Amalfi, confisqués aux Colonna. La reine, âgée et infirme, est lasse de cet
amant intéressé. Elle refuse. Dans sa colère, Caracciolo gifle la reine...
Cobella d'une pièce voisine, a suivi toute la scène. Elle entre chez celle ci et la
trouve en larmes. Profitant de cet instant de faiblesse, elle la convainc de
l'ingratitude du favori et du despotisme qu'il exerce sur l'État. Mais lorsque
la Duchesse Cobella veut arracher à Jeanne II la permission
d'éliminer le Grand Sénéchal, celle-ci s'écrie: « Moi, faire mourir,
moi commander un assassinat! Que le Ciel m'en préserve! Que l'on m'aide
seulement à retirer mon autorité d'entre ses mains, et cela suffit ! »
Finalement elle va consentir à ce qu'on arrête le Caracciolo...
Cobella
III et ses partisans connaissent l'inconstance de
la Reine. Elle aura tôt fait d'accorder sa grâce, aussi l'on décide de liquider
sans tarder le ministre exécré. L'assassinat a lieu le
Entretemps
le Roi Alfonse d'Aragon et de Sicile se rapproche de Naples avec une flotte
capable de relever les espérances de ses partisans. Cobella III qui
s'est emparée de tout le crédit du Sénéchal auprès de la reine, décide de
favoriser son accession au trône. Elle obtient de Jeanne II qu'elle annule les
dispositions en faveur de Louis III en choisissant à nouveau Alfonse pour héritier.
Le sort du Royaume est entièrement entre les mains de Cobella III !
Alfonse lui manifeste sa reconnaissance en lui promettant d'autres fiefs et,
pour son fils Marino Marzano, Prince de Rossano, la main de sa fille naturelle
Éléonore. Puis le Roi a avec elle une vive altercation. Le mariage n'eut pas
lieu. Alors Cobella III réagit en prenant à nouveau le parti du
successeur évincé, Louis d'Anjou. La Reine qui n'en était pas à une volte face
près, suivit son avis...
Jeanne II et Cobelle III
Peu après, Cobella III va épouser le propre frère de Louis III d'Anjou, Charles d'Anjou Comte du
Maine. Par cet illustre mariage, elle entre dans la Famille royale, ayant pour
beaux-frères le Roi Louis III de Naples, le Roi Charles VII de France et le
futur Roi de Naples René le Bon. Ce mariage eut lieu en 1434 comme en témoigne
la généalogie de la branche royale d’Anjou, issue de celle des Valois (Tome III
page 296).
< Armoiries de
Charles du Maine
Louis III meurt
prématurément en 1434, au château de Cosenza, en Calabre, à l'âge de 31 ans. Le
Roi stipulait dans son testament que la fille de René d'Anjou, son frère, fut
unie en mariage au fils de Cobella III qualifiée « sa belle-sœur »,
et il nomme celle-ci ainsi que son époux Charles Comte du Maine, comme ses
exécuteurs testamentaires.
Les archives Ruffo de Bonneval - La Fare contiennent plusieurs copies authentifiées du testament
de Louis III. L'original est conservé aux Archives des
Bouches du Rhône, Série B, Cour des Comptes n°168 folio 99 bis. De nombreux
auteurs en font mention: Chazet, Moneri, Nostradamus, de Limiers, Montgrand,
Imhoff...
Il
est étonnant que les auteurs italiens aient jamais parlé de ce mariage survenu
en France au Château de Mesnil-les-Tours probablement parce qu’ils en ignorent
l’existence, les archives françaises se trouvant en Provence. Toujours est-il
que Charles du Maine a un fils en 1436 né de son second mariage avec Isabelle de Luxembourg. Ce qui indique que le
mariage politique avec Cobelle n’a pas tenu, on le comprend ! Leur
grande différence d’âge, il n’a que vingt ans, le caractère impossible de Cobelle. C’est uniquement sa fortune colossale qui est visée.
Plus
tard, le fils unique de Cobelle, Marin di Marzano, Prince de Rossano est
uni à Éléonore, fille naturelle du roi de Naples Alphonse d’Aragon. Qui a
évincé du trône René le Bon d’Anjou. Ils ont quatre filles et un fils.
Marin
imprudemment participe à un complot contre le roi. Sous le règne de Ferdinand I
d’Aragon les feudataires se révoltent sous le poids de son pouvoir. Ce fut la
fameuse « Conjuration des Barons » qui échoue. Le Comte de Sinopoli
par prudence n’avait pas pris part au soulèvement. Il n’est donc pas inquiété.
Au contraire aussi bien Marin de Marzano héritier des Ruffo de Montalto par sa mère Cobelle
III, qu’Antoine Centelles-Ventimiglia héritier des Catanzaro par son
mariage avec Enricettach fille de Niccolo Ruffo, en ont fait partie,
aussi sont ils dépouillés de leurs biens immenses et ils passeront le reste de
leurs jours dans une geôle aragonaise. Le fils de Marin, exilé à Rome meurt
dans la pauvreté. Ceci est cité par Giannone « histoire du royaume de Naples,
Tome III, p.497 ».
Le
roi donne en dot à Éléonore la principauté de Rossano avec une grande partie de
la Calabre. Les Ruffo de Montalto avaient œuvré pendant plusieurs
générations afin d’agrandir leur patrimoine et leur influence à la cour. En
vain, tout est devenu bien de la couronne… ! Il en fut de même pour l’immense
fortune des Ruffo de Catanzaro.
Jeanne
II s'éteignit en 1435, après avoir confirmé René d'Anjou en tant que
successeur. Celui-ci subit les nombreuses attaques menées par Alphonse d’Aragon
surnommé « Le Magnanime » lequel remporte sur lui une victoire décisive en
1442. Ce sera la fin de
la dynastie d'Anjou.
< Le roi
René et son épouse Jeanne sont représentés sur un triptique peint par Nicolas
Froment en 1475 et exposé dans la cathédrale d'Aix.
Les Ruffo de Calabre au XVe siècle
En
cette première moitié du XVe siècle - et ce depuis déjà deux siècles au moins,
la Calabre était en très grande partie l'apanage de la Maison Ruffo. La
Famille était composée de nombreuses branches :
1.
Les Comtes de Catanzaro, qui possèdent tout le centre (région de
Catanzaro) et la côte est (région de Cotrone), y incluant également une série
de fiefs en Basilicate (nord de la Calabre) et également Reggio (extrême sud).
2.
Les Seigneurs de Badolato, branche sœur des Catanzaro, qui sont
situés au centre de la Calabre.
3.
Les Comtes de Montalto, branche issue des Catanzaro, qui ont le
nord de la Calabre, côte est et ouest ainsi que vers le sud, et également de
gros fiefs dans la Terre de Bari (Pouilles).
4.
Les Seigneurs de Bovalino (fief des Sinopoli mais passé à une
branche des Catanzaro), qui ont des fiefs dans le sud.
5.
Les Comtes de Sinopoli, qui occupent le sud, côte est et ouest.
6.
Les Seigneurs de Condoianni-Palizzi-Brancaleone, importante
branche des Sinopoli qui a occupé l'extrême sud de la Calabre.
En
ce début du XVe siècle, la Maison Ruffo de Calabre ainsi
représentée est sans doute au sommet de sa puissance. Grâce à une politique de
grands mariages ainsi qu'à d'innombrables services rendus à ses rois, elle
s'est hissée au premier rang. Elle est désormais structurée en un système de
lignages très développé, et elle compte des membres influents quasiment partout
: à la Cour, dans l'armée, au Clergé, dans la Justice,…
Au
sein de cette Magna Domus, le chef de la Maison Niccolo,
marquis de Cotrone, trouvait déjà aisément appui auprès d'au moins une dizaine
de seigneurs, tous Ruffo, cousins proches ou plus lointains.
Ce
n'est pas peu si depuis son arrivée en Italie du Sud avant l'an 1000, on a
compté près de 240 seigneuries ayant appartenu à la Famille, en Calabre mais
aussi en Sicile, en Capitanate, dans les Pouilles, etc.
Avec
l'extinction des branches de Catanzaro et de Montalto par manque d'héritiers
mâles, les immenses domaines qui leur appartenaient sortent de la Maison Ruffo,
et passent par les femmes les uns à la Maison Centelles, les autres à la Maison
di Marzano. Peu après, la branche de Bovalino s'éteint dans celle des Ruffo de Condoianni-Brancaleone. Cette dernière s'éteindra à son tour au début du XVIe siècle dans la maison d'Ayerbo d'Aragona. A la même époque la branche de Badolato
s'éteindra aussi après huit générations dans la maison d'Arena...
Entre-temps
les Ruffo dits « de Sicile » se sont éteints
(probablement à la fin du XIIIe siècle). Les Ruffo repasseront dans
l'Île trois siècles plus tard, à la suite d'Antonio Ruffo della
Scaletta. Par ailleurs, une branche des Sinopoli a fait souche en Provence :
les Ruffo de Lamanon (fin XIVe s.), dont sont issus les
actuels Ruffo de Bonneval, marquis de La Fare, belges.
Dès
lors, de cette grande Maison des Ruffo de Calabre, en cette moitié du XVe siècle, il ne va subsister en Italie du Sud que les Ruffo comtes de Sinopoli.
De ceux-ci, la nombreuse descendance va assurer un avenir tout aussi florissant
sur le plan des belles alliances, des grands personnages et des hauts faits.
Comment ne pas citer ici les Ruffo Duc de Bagnara et les Ruffo Princes
della Scaletta.
Ayant
atteint la première moitié du XVe siècle, nous ne voulions pas aller
au-delà de cette époque. Cependant nous vous présentons à titre exceptionnel un
document très intéressant, véritable reportage, qui fait partie des Archives Ruffo de Bonneval - La Fare.
Château de Sinopoli
Photo
satellite, Sinopoli indiqué par la flèche verte
La pointe ^
Agrandissment de Scilla